Après s’être connecté à un personnage, après avoir saisi son essence, on revient souvent dans notre monde avec un sentiment étrange. La séparation laisse une sensation de vide. N’était-ce qu’un rêve ? Ce personnage existe-t-il ? À défaut, est-il crédible ? Le doute : ce qui tue la créativité dans l’œuf. Comme tout auteur, je n’ai pas fait exception : je l’ai subi.

Au départ, la lassitude fait s’entasser un nombre incalculable de feuilles de papier, roulée et compactée sans soin aucun, avant d’être jetées dans une corbeille, débordant déjà à rendre chacun de mes mouvements particulièrement risqués. Positivons, cela a grandement amélioré mon équilibre, cela a amusé mon chat, et développé ma technique au basket. Sauf que je ne joue pas assez souvent au basket pour pouvoir le mesurer.

Sans me laisser abattre, je cherchais. Comment pouvais-je m’assurer de la crédibilité de mes personnages ? Je renouvelais les voyages, les connexions, m’immergeant à nouveau dans leur monde, que je dessinais également au fur et à mesure. Ce n’était pas suffisant pour me satisfaire. Je voulais offrir quelque chose d’encore plus vrai.

Lorsqu’on est auteur, on est en général curieux. Mon errance mentale me fit dénicher une étude de psychologie parlant de l’ennéagramme. Passionnant. Cela me permit de me conforter dans l’analyse de mes personnages… Oui parfois je suis un peu trop dans le mental, lorsque je ne suis pas complètement dans l’action.

Finalement, je rouvris mon guide du scénariste, et tombais sur un concept assez surprenant. L’avais-je mal lu la première fois ?

L’autocritique par le corps. Le ressenti. Est-ce que mon corps se fait lourd lorsque je me relis ? Est-ce que je me sens en lien avec mes personnages, avec leur univers ? Est-ce que je m’endors en lisant ?

J’étais dans le vrai. Tout avait du sens.

Avec l’assurance de pouvoir offrir un récit de qualité, je poursuivis.

Et aujourd’hui, je suis encore là.